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Histoire juridique des sciences


L’encadrement normatif des sciences et des techniques est devenu une nécessité et une évidence tant pour les acteurs du monde scientifique que pour la société civile. La fulgurance des progrès scientifiques et techniques conduit plus souvent à la réaction qu’à l’anticipation. La Révolution industrielle a eu pour effet de multiplier les occasions de rencontre entre droit, sciences et techniques à travers, notamment, la mécanisation de la société et les progrès de la médecine. Les questions d’éthique, qui étaient traitées par la théologie et la philosophie, sont désormais saisies par le droit.

Trois thèmes méritent d’être développés. Tout d’abord, une histoire institutionnelle des sciences et des techniques permettra de fixer le cadre dans lequel s’est développée l’activité scientifique. Ensuite, une étude des normes contraignant les sciences et les techniques montrera les évolutions des normativités dans le temps et l’espace, autour, entre autres, des questions de la gestion des risques et de la protection des libertés. Enfin, ces différents aspects ont des incidences sur la société civile, particulièrement dans le domaine de l’histoire juridique de l’environnement qui fera l’objet d’une étude spécifique.

Sous-axe 1 : Histoire institutionnelle des sciences et des techniques


Les sciences et les techniques n’existent pas sans les hommes et les institutions qui les animent. Si une chercheuse ou un chercheur peut trouver une théorie dans le secret de son bureau, la plupart du temps, ce sont des équipes dotées de matériels coûteux, préparant des expériences dans l’espoir de confirmer une hypothèse ou de l’infirmer. Pour ce faire, ces chercheurs travaillent dans le cadre d’établissements ou de centres de recherches.

Ce sous-axe portera sur l’histoire institutionnelle des grands établissements publics à l’instar du Cnrs ou de l’Inserm. Mais des institutions plus anciennes, à l’image des académies, ont influencé l’activité normative dans le domaine des sciences. Il est intéressant de retracer les étapes de la création de ces institutions ainsi que leur composition à travers une prosopographie. C’est l’occasion de s’interroger sur l’indépendance des sciences par rapport au pouvoir politique et économique. Une dimension comparative avec d’autres pays permettra de mettre en exergue les caractères propres des établissements français. Il en sera de même pour les techniques. Ce sera notamment le cas dans le domaine de l’énergie (gaz, électricité).

Sous-axe 2 : Histoire des normativités encadrant les sciences et les techniques


Les normativités qui encadrent l’activité scientifique et la recherche dans les progrès techniques sont multiples. On peut se positionner en amont puis en aval des découvertes scientifiques pour en apprécier la valeur et les implications sur la société civile. En amont des découvertes, les expériences scientifiques reposent sur des protocoles, des expérimentations et diverses procédures qui doivent être agréées. Quel est la nature juridique de ces processus ? Quel est la place de la normativité dans leur développement ? À partir de quand ces moyens ont-ils été saisis par un cadre normatif. Du droit dur au droit souple, les recherches scientifiques tout autant que les chercheurs sont saisis dans leur activité par des règles plus ou moins contraignantes. Ces dispositifs, qu’ils soient disciplinaires, administratifs ou légaux, ont pour objectif de permettre une conduite de la science qui favorise la confiance de la société civile. Ce thème mobilisera l’interdisciplinarité car des questions morales, des aspects sociétaux, politiques et sociaux sont éminemment en jeu.

Ce sous-axe étudiera l’évolution de toutes ces normativités mais aussi l’histoire de l’internormativité qui pose la question de la hiérarchie des normes. En aval des découvertes, de nombreuses conséquences pour la société posent d’importantes difficultés. Depuis le XIXe siècle, un changement de paradigme relativement à la place des sciences laisse un rôle majeur à la société civile qui veut des garanties afin de maintenir sa confiance dans les sciences et leurs progrès. Deux thèmes seront abordés : d’une part la question des risques et d’autres part celle des libertés individuelles et publiques. La question des risques est saillante depuis la mécanisation mais il est possible d’avoir une approche historico-comparative de ce problème. Les contraintes normatives imposées aux sciences et impliquées par les sciences, comme la crise sanitaire l’a montré, rejaillit sur les libertés individuelles et publiques.

Sous-axe 3 : Usages des sciences et des techniques dans le droit : études de cas


Les usages des sciences et des techniques dans le droit sont multiples. Le plus connu et très largement étudié est l’expertise scientifique que l’on retrouve dans le domaine de la justice. Les expertises médicales auprès des juges en est le parangon.

Trois aspects seront abordés. D’abord, l’utilisation de la science dans le droit de l’environnement doit être interroger sur la longue durée. L’ordonnance des Eaux et Forêts de 1669 est un exemple des points de contact entre droit et sciences. La question centrale est de déterminer quelles sont les normes qui protègent la nature ? Divers degrés de normativité sont-ils mobilisés pour parvenir à cette protection ? Ensuite, le thème du droit de l’eau est un enjeu majeur qui, s’il a fait l’objet d’études quant à la question de la police, doit être analysée au regard de l’usage des sciences. La prise en compte des sciences dans le droit se traduit également par des questionnements sur la nature juridique des éléments naturels. Le contrat naturel du philosophe Michel Serres avait été mal accueilli en 1990. Trente ans plus tard, une cour américaine de justice a reconnu la personnalité juridique au lac Érié. Cette évolution invite à penser le statut juridique des biens naturels dans une perspective historico-comparative.